Cet article emploie la microhistoire d’une affaire transnationale qui se déroulait entre l’Italie et la Tunisie pendant les années 1870 et 1880 pour éprouver le droit international grâce à une approche qui va au-delà des frontières de l’Occident. L’affaire Samama contre Samama présente un litige fort compliqué, examiné par les cours de justice italiennes pendant près d’une décennie. La principale difficulté du procès concernait la nationalité de Nissim Samama, un juif né à Tunis, et, partant, l’ordre juridique qui pouvait décider de sa succession. Le Code civil italien promettait de respecter les droits nationaux des ressortissants étrangers, mais ces derniers étaient a priori considérés comme occidentaux uniquement. Or une affaire où il était question à la fois du droit tunisien et du statut des juifs interrogeait les fondements mêmes de l’ordre juridique international. En portant devant les tribunaux le problème de la nationalité de Samama, le procès dévoilait plusieurs failles et tensions au sein des théories émergentes du droit international : comment des États non occidentaux tels que la Tunisie pouvaient-ils s’intégrer dans l’ordre juridique international naissant ? Comment le droit international envisageait-il le droit musulman ? Quel était le statut de la nation juive dans un monde de nationalités de plus en plus exclusives ? Les actes d’un tel procès permettent de prendre la mesure des débats et des réflexions entre les spécialistes de droit international sur les ambiguïtés propres à leur discipline. De même, ils donnent un accès privilégié à la façon dont les Maghrébins concevaient le droit international. Les controverses qui en résultent mettent au jour les tensions inhérentes à un droit international qui ne cesse d’hésiter alors entre particularisme occidental et universalisme.
This article uses a single, transnational legal case that played out between Italy and Tunisia in the 1870s and 1880s to tell a truly global history of international law—that is, one that goes beyond the boundaries of the West. Samama v. Samama was a fabulously complicated case that dragged on in Italian courts for almost a decade. The crux of the legal arguments concerned the nationality of Nissim Samama, a Jew born in Tunis; Samama’s nationality, in turn, would determine which legal system regulated his estate. The Italian Civil Code enshrined respect for the national law of a foreigner, but such foreigners were presumed to be Western. A case involving the national law of Tunisia and the status of Jews called the very foundations of the international legal system into question. In putting Samama’s nationality on trial, the case opened up debate over fissures in the emerging theory of international law: How could non-Western states like Tunisia fit into an international legal order? How did Islamic law intersect with international law? What was the status of Jewish nationhood in a world increasingly based on exclusive nationalities? The Samama case offers access to the voices of European international lawyers debating the ambiguities of their field, as well as those of Maghrebis articulating their own vision of international law. The resulting arguments exposed tensions inherent to an international legal system uncomfortably balanced between universalism and Western particularism.
Saturday, May 25, 2019
Marglin: La nationalité en procès : droit international privé et monde méditerranéen
Jessica M. Marglin (Univ. of Southern California - Religion) has published La nationalité en procès : droit international privé et monde méditerranéen (Annales, Vol. 73, no. 1, pp. 83-117, March 2018). Here's the abstract: